Aujourd'hui, à l'Assemblée nationale, se poursuit l'examen du projet de loi relatif à la consommation. La vente de produits optiques sur Internet et l'extension de la durée de validité des ordonnances seront au coeur des débats, et ce sous l'oeil des syndicats. Ils ont les yeux braqués sur Benoît Hamon, le ministre à l'origine du projet de loi.

Chacun y va de ses arguments. Le projet de loi consommation dit Hamon, du nom du ministre qui en est à l'origine, continue de polariser l'attention - critique - des instances représentatives du secteur. Après les réactions de la Fnof (Fédération nationale des opticiens de France), du Synope (Syndicat des opticiens entrepreneurs) ou encore du Synom (Syndicat national des centres d’optique mutualistes), c'est au tour de l'UDO et de l'AOF de prendre la parole.

Pour l'Union des Opticiens, désormais présidée par Catherine de la Boulaye, "la profession, une fois encore est l’objet d’attaques multiples et variées, en provenance de différents acteurs qui utilisent l’actualité pour défendre des intérêts commerciaux". Le syndicat tient à rappeler que "la délivrance des équipements optiques au-delà de 16 ans est une compétence définie dans le Code de la santé publique, et que rendre obligatoire une ordonnance pour les lunettes contribue à bloquer la situation". Et d'insister sur le fait que "la prise de mesure est réalisée par un opticien formé qui s’engage auprès du consommateur en garantissant l’adaptation de l’équipement". L'organisation professionnelle revient ensuite sur la nécessaire défense de "la liberté de choix du consommateur" : "Elle doit être la priorité de toute la profession, le consommateur français a la chance d’avoir historiquement accès à des équipements de qualité, grâce à la R&D des verriers. La distribution dans le secteur optique évoluera vers une offre multicanal : magasins, vente sur le Net, etc… comme dans les autres secteurs du commerce. Les opticiens français ne doivent pas craindre cela, même dans les pays européens les plus avancés pour le commerce en ligne, comme la Grande Bretagne, moins de 5% des lunettes sont vendues sur le net. En revanche, pour garantir la sécurité des consommateurs, il est nécessaire que la règlementation soit la même pour tous les modes de distribution, la qualité des produits et du service fera la différence", explique la direction de l'UDO.

Du côté de l'Association des optométristes de France, on se place d'abord du point de vue de la nécessaire évolution de la formation. Philippe Verplaetse, le président de l'AOF, estime que prolonger à 5 ans - contre 3 actuellement - la durée de validité d’une ordonnance, "va à l’encontre de la santé de la population : l’opticien-lunetier (BTS : Bac +2) n’est pas compétent au niveau du dépistage, le patient ne verra un professionnel formé au dépistage que tous les 8 à 9 ans", pronostique-t-il, soucieux. "Par contre, si l’opticien est qualifié en optométrie (Master ou Diplôme Européen d’Optométrie : Bac +5), la sécurité sanitaire est assurée". Concernant la vente de produits optiques sur le web, l'AOF souhaite qu'elle "se limite à la fourniture d’un équipement avec une prescription d’un ophtalmologiste ou d’un optométriste datant de moins d’un an pour un adulte et de moins de 6 mois pour une personne de moins de 16 ans". Enfin, l'organisation juge que la mise en place d’une ordonnance obligatoire pour les plus de 16 ans constitue "une modification inacceptable de la loi actuelle. Cette mesure va à l’encontre de l’amélioration de l’accès aux soins et des économies de santé. L’opticien 'physique' doit pouvoir continuer à fournir un équipement optique après un examen réalisé sous sa responsabilité comme c’est le cas aujourd’hui".

Outre les organisations d'opticiens, le Syndicat des Fabricants et Fournisseurs d'Optique de Contact (Syffoc), concerné au premier chef par les mesures du texte Hamon, veut également faire entendre sa voix. "Suite à l’adoption en seconde lecture à l’Assemblée Nationale de l’amendement 17  quater A qui met un terme au monopole des pharmaciens et des opticiens sur les solutions d’entretien des lentilles de contact, les industriels de santé membres du Syffoc expriment leur très grande préoccupation sur les conséquences de ces dispositions en termes de sécurité sanitaire". Plus largement, ce syndicat "déplore vivement le traitement de questions de santé publique dans un Projet de Loi Consommation". S'agissant de l’encadrement des ventes de lentilles sur internet, l'organisation "réitère la nécessité d’une prescription médicale associée à la mise en œuvre rapide de délégations de tâches des ophtalmologistes envers des opticiens dûment formés. Cette délégation répondant  au double objectif de protection de la santé visuelle et d’un  accès rapide aux soins et aux lentilles de contact ; cette nécessité étant  actuellement gravement perturbée par la longueur des délais de rendez-vous chez les  ophtalmologistes".

Le Groupement des Industriels et fabricants de l'optique se positionne également dans le débat. "Le GIFO, qui regroupe les industriels du secteur de l’optique, souhaite rappeler que ces produits ne sont pas des produits de consommation courante. Ce sont des dispositifs médicaux de classe I, IIa voire IIb, régis par la réglementation européenne, dont la révision actuelle envisage de renforcer les exigences de protection de la santé humaine, en soutenant l’innovation et la concurrence. Rappelons aussi que ces produits de santé sont opérateurs-dépendants, en ce sens qu’ils nécessitent l’intervention d’un professionnel de santé qualifié, susceptible de définir les besoins individuels de chaque porteur et de lui proposer des produits sur mesure, spécifiques et adaptés", peut-on lire dans un communiqué. Sur la même ligne que la plupart des "professionnels de santé qui se sont déjà exprimés", le Gifo "forme le vœu que le Ministère de la Santé engage une réflexion approfondie avec tous les acteurs concernés, qui associerait la Haute Autorité de santé (HAS) et l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), garantes respectivement de la sécurisation des protocoles de soins et de la sécurité sanitaire des citoyens français". 

Pour finir, indiquons que le Snof aussi (Syndicat national des ophtalmologistes de France) est en première ligne dans les débats que suscite le projet de loi Hamon.  Par la voix de M. Rottier, son président, le syndicat "demande en urgence au Premier ministre d’arbitrer entre la libéralisation du marché de l’optique et la protection de la santé des Français". "Il est temps de choisir entre démédicaliser la filière visuelle au mépris des principes fondamentaux de santé publique ou libéraliser les marchés liés à la distribution des lunettes et des lentilles de contact", met en garde M. Rottier dans un courrier adressé vendredi 13 à Jean-Marc Ayrault.

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