Les députés ont adopté hier soir l’article 17 quater A du projet de loi Conso, qui met fin au monopole des opticiens (et des pharmaciens) sur la vente des solutions d'entretien pour lentilles.

Après bien des discussions houleuses, c'est fait. L’article 17 quater A figurant dans le projet de loi consommation qui supprime le monopole des opticiens (et des pharmaciens) sur la vente des solutions d'entretien pour la contactologie, a été voté hier soir à l'Assemblée nationale, en deuxième lecture. Aucun des nombreux amendements déposés pour modifier la teneur de cet article très discuté n'a été retenu par les élus. Ce faisant, les députés vont entraîner une révision du Code de la santé publique qui réservait jusqu'à maintenant la distribution de ce genre de produits aux seuls pharmaciens et opticiens. C'est la ligne défendue notamment par Razzy Hammadi, député PS et rapporteur du projet de loi, qui a prévalu sur tous les arguments avancés par l'opposition, à commencer par les parlementaires UMP, très actifs sur le sujet : "Aujourd’hui, le prix élevé de ces produits, qui dépasse largement la moyenne européenne, n’est imputable qu’au monopole des pharmaciens et des opticiens-lunetiers, et ne découle aucunement du fait que leur distribution nécessite d’être accompagnée de conseils de santé. Telle est la réalité à laquelle nous sommes confrontés. Au-delà des études réalisées et des préconisations de l’Autorité de la Concurrence, nous pouvons vérifier que, là où cette mesure a été mise en œuvre, elle n’a eu aucun effet négatif sur la santé des consommateurs", a justifié, inflexible, l'élu socialiste. 

La majorité a donc balayé tous les arguments santé formulés par les opposants à cette disposition, à l'image par exemple de Marie-Christine Dalloz, député UMP du Jura, qui s'inquiète de possibles conséquences sanitaires : "Vous ouvrirez très grand ce marché, avec des risques pour la santé publique : les consommateurs pourront acheter n’importe quel produit low cost, pour n’importe quel type de lentilles". Au-delà de ça, l'élue jurassienne dénonce depuis le début les incohérences de la majorité, qui supprime le monopole détenu par les pharmaciens et les opticiens sur la vente des produits d’entretien des lentilles, alors que les lentilles, elles, ne sortent pas du monopole : "Cette divergence de traitement entre ces deux dispositifs médicaux se comprend d’autant moins que les produits d’entretien lentilles sont des dispositifs médicaux de type IIb qui correspondent à une classification dite de 'potentiel élevé de risque' compte tenu de leur destination décontaminante et désinfectante des lentilles oculaires", a pu, lors des débats, faire valoir Mme Dalloz.
 
Le volet "optique" de ce projet de loi n'a pas fini de faire parler de lui. D'autres mesures - l’autorisation, pour les magasins d’optique et les sites de commerce en ligne, de vendre des lentilles de contact sans prescription médicale et l’extension de la validité de 3 à 5 ans de l’ordonnance de lunettes - doivent encore être examinées à l'Assemblée nationale. Dans la perspective de ce vote, plusieurs professeurs en ophtalmologie représentants de l’Académie Française d’Ophtalmologie, de la Société française d’ophtalmologie, du Collège des Ophtalmologistes Universitaires de France (COUF) et de la Sous-Section Ophtalmologie du Conseil National des Universités (CNU-Santé) ont adressé, hier matin, une lettre ouverte à Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé. En effet, les signataires de ce courrier mettent en cause ces deux mesures du projet de loi. Ces personnalités de la communauté scientifique "alertent sur le fait que ces mesures, discutées en Commission des Affaires économiques sans consultation de la Commission des Affaires sociales, n’ont fait l’objet d’aucune étude d’impact permettant d’évaluer les risques qu’elles feraient courir aux Français". Or ils rappellent "les conséquences possibles et potentiellement dramatiques de ces mesures. Concernant les lentilles, l’étude épidémiologique menée de 2008 à 2013 par le Pr Bourcier et le Dr Sauer du CHU de Strasbourg, montre que les patients qui ne font pas adapter leurs lentilles de contact par un ophtalmologiste multiplient par 6 le risque de complications. De plus, rallonger la durée de validité des ordonnances de lunettes amènerait un porteur de lunettes à ne plus revoir d’ophtalmologiste pendant 10 ans".

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