C'était la tonalité, hier, d'une rencontre avec Jean-Luc Sélignan, à la tête d'OpticLibre, et son équipe rapprochée, lors d'un point-presse annuel avec la centrale.

Une chose qu'on n'enlèvera pas à Jean-Luc Sélignan, c'est sa liberté de ton. Question de tempérament. Hier, on le retrouve entouré de ses proches collaborateurs au siège de Club OpticLibre, à deux pas de l'Arc de Triomphe. Comme chaque année à cette époque, il fait le point sur l'activité de sa centrale et fait valoir sa façon de voir le secteur, en présence de la presse pro. De cette longue entrevue il ressort une exaspération grandissante contre ce qu'il appelle la "cosmétique à tout va", un discours ambiant qu'il estime être de "pur marketing". De même s'élève-t-il contre une approche systémique biaisée des enjeux du secteur.
Présentant tout d'abord les résultats, Jean-Luc Sélignan revendique pour sa centrale les performances les plus solides dans la durée, et ce à tous niveaux : croissance, chiffre d'affaires ou encore recrutement de nouveaux adhérents. "Entre 2005 et 2015, OpticLibre a quasi multiplié par dix le montant de ses achats transités, passant de quelque 13 millions d'euros à plus de 111 aujourd'hui. À ce rythme-là, nous serons n°1 en 2020", veut croire M. Sélignan, prenant encore à témoin le critère de la progression à périmètre constant. "C'est le plus important, insiste-t-il, car c'est celui qui reflète le mieux notre dynamisme année après année".

Le récent rapprochement d'opérateurs importants de la concurrence l'inquiète-t-il ? Il affirme que non, et se montre tout au plus circonspect devant ce qu'il qualifie, à ce stade, "d'effet d'annonce". Tout en gardant évidemment un oeil sur la concurrence, Jean-Luc Sélignan préfère mettre en valeur "les outils efficaces et les expertises concrètes", à l'en croire "sans équivalent", que sa centrale développe en interne. Et d'abord l'expertise humaine. Sur ce plan, le président d'OpticLibre nous a présenté en particulier sa dernière recrue, une transfuge de chez Santéclair, "qui connaît le sujet des réseaux de soins sur le bout des doigts". Lors de cette conférence de presse, M. Sélignan s'est d'ailleurs longuement attardé sur cette question, dans un contexte où une fronde anti-réseaux de soins semble s'amplifier ces derniers mois en régions. Mouvement auquel, on va y revenir, il n'est pas étranger. Nul doute pour lui qu'au fil des années se sont donc créées "des situations de dépendance envers les Ocam" et que, "à terme, c'est intenable". Prenant le contrepied de certaines déclarations de dirigeants d'enseigne, il estime que seuls les indépendants tireront au final leur épingle du jeu car ils sont moins impliqués dans la relation aux Ocam. Et d'assurer que de plus en plus d'opticiens tombent en ce moment l'enseigne, "asphyxiés par le coût des redevances ajouté à la pression tarifaire des conventionnements".

Soutien actif des associations d'opticiens qui réfléchissent à un avenir hors des réseaux de soins, Jean-Luc Sélignan, prolongeant en cela des analyses de l'économiste de la santé Frédéric Bizard dont il s'est attaché les services de consultant, reste convaincu que c'est encore et toujours la question des remboursements différenciés qui est au coeur du problème. Au-delà de cet aspect technique, et plus profondément, il faut selon lui démonter et contrer le discours des complémentaires, "martelé depuis 10 ans", suivant lequel elles concourent à faire baisser les prix des lunettes. "C'est tout le contraire ! s'insurge M. Sélignan. En réalité, elles entretiennent artificiellement des comportements consuméristes" à travers le remboursement mécanique des équipements, hier annuel, tous les deux ans aujourd'hui. Et d'insister sur le fait que le jeu de la concurrence et l'arbitrage des consommateurs suffisent à réguler les prix. Un comparatif européen sur l'année 2015 lui permet d'ailleurs d'affirmer que les tarifs des équipements optiques en France comptent, hors taxes, parmi les moins élevés... Plus généralement, le président de la centrale appelle à revoir le logiciel historique du secteur. Désormais, ne faudrait-il pas plutôt tabler sur un "système de remboursement progressif", autrement dit variable en fonction du type de produits délivrés et des besoins réels du porteur ? s'interroge-t-il. En clair, un équipement standard pourrait être plus fréquemment pris en charge par les complémentaires, alors que pour un équipement innovant ce serait plus espacé dans le temps… Sur ce sujet des réseaux de soins, M. Sélignan se projette dans l'avenir avec une certaine confiance semble-t-il. "La proposition de loi Fasquelle ne demande qu'à être réactivée le moment venu", avance-t-il, regardant déjà après l'élection présidentielle. Et bien qu'il reste discret là-dessus, précisément pour ne pas encourir le reproche de faire de la com', M. Sélignan semble multiplier les contacts avec des responsables politiques de l'opposition actuelle pour les sensibiliser à ce dossier.

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