En fin de semaine dernière, le syndicat des ophtalmos a publié les résultats d’une enquête réalisée par l’institut CSA sur les délais d'obtention d'un rendez-vous en ophtalmologie. Cette étude revendique une approche inédite et transparente pour refléter au mieux la situation en la matière.

Depuis des années, diverses études ont cherché à prendre la mesure des délais d’attente moyens pour obtenir une consultation chez l’ophtalmologiste. « Quand on se penche sur les méthodologies de ces multiples enquêtes, elles sont souvent confuses, discutables, voire opaques », constate Joy Raynaud, docteur en géographie de la santé. C’est cette spécialiste de l’accès aux soins qui a analysé, « en toute indépendance » insiste-t-elle, les résultats de l’enquête de terrain conduite par l’institut de sondage CSA en avril et en mai*. Cette enquête se veut la plus rigoureuse, la plus complète et la plus transparente possible de sorte à coller au plus près d’une réalité qui, jusqu’ici, a souvent fait débat. Comment ? D’abord en structurant l’étude autour de deux scénarios nécessitant un délai de prise en charge différent. Pour le premier, il s’agit d’un nouveau patient demandant un rendez-vous pour un contrôle périodique de la vue. Dans le second script, il est question d’un nouveau patient présentant des symptômes (du type points noires, filaments) ne relevant pas d’une véritable urgence mais nécessitant tout de même une consultation dans un bref délai. D’autre part, et c’est là un point important, cette enquête préfère mettre à profit le concept de médiane plutôt que celui de moyenne : « La notion de ‘temps moyen’ n’est pas pertinente parce que certains délais extrêmes - par exemple un rendez-vous donné d’une année sur l’autre pour un suivi dans le temps, ndlr - faussent les résultats », souligne la géographe.

Il ressort donc de cette enquête que le délai médian d’obtention d’un rendez-vous dans le cas d’un contrôle périodique (scénario 1) s’est « fortement amélioré », passant de 66 à 43 jours en 2 ans, soit - 35 % par rapport à l’étude de la Drees publiée en octobre 2018 (mais à partir de données datant de juin 2016 à mai 2017). Le délai médian pour une prise en charge d’une apparition de symptômes (scénario 2) a quant a lui été divisé par deux, tombant de 20 à 10 jours. « Cela montre que les ophtalmologistes adaptent les délais de rendez-vous aux besoins réels des patients », fait observer Mme Raynaud. De son côté, le docteur Thierry Bour, président du SNOF, commente : « C’est une enquête charnière car elle permet de mesurer objectivement les effets du plan de la filière visuelle et d’affiner nos axes pour poursuivre cette dynamique. Cette amélioration significative des délais de rendez-vous a été obtenue grâce à une implication sans précédent des ophtalmologistes. Des mesures complémentaires comme le développement de l’exercice en sites secondaires ou l’optimisation des agendas via la prise de rendez-vous en ligne devraient encore soutenir la dynamique sans démédicalisation. »

La prise de rendez-vous en ligne est d’ailleurs un élément mis en lumière dans cette étude CSA. Et ceci est inédit. Insistons là-dessus : cette étude est la première qui intègre les sites de prises de rendez-vous en ligne afin que les résultats soient au plus près de la réalité. Elle inclut ainsi la totalité des 1 890 médecins ophtalmologistes proposant des rendez-vous en ligne avec Doctolib et Alaxione. Pourquoi intégrer cette dimension digitale ? Parce que la prise de rendez-vous en ligne est d’ores et déjà une réalité importante en ophtalmologie, en plein développement. Actuellement, c’est une offre complémentaire qui propose des délais en légère réduction par rapport aux rendez-vous téléphoniques, mais les usages sont en train de changer et déjà 10 % des demandes téléphoniques sont réorientées systématiquement vers les sites en ligne. La prise de rendez-vous par internet présente des avantages tant pour les patients que pour les médecins : remise en ligne immédiate des rendez-vous annulés, accessibilité permanente et gain de temps pour le patient, pression diminuée sur les secrétaires, l’ophtalmologiste peut structurer sa consultation en fonction des jours et des lieux, résume le syndicat dans sa synthèse. Et le Dr Bour de commenter à ce propos : « Nous sommes convaincus que l’optimisation de la gestion des plannings est un levier déterminant pour l’amélioration des délais : 3 à 10 personnes par jour ne viennent pas à leur rendez-vous… c’est un vrai gâchis ! Avec la moitié des praticiens libéraux ayant un site de prise de rendez-vous en ligne, l’ophtalmologie est une spécialité leader en la matière. Le potentiel de développement est encore important : nous avons pour objectif que les 3/4 des cabinets soient équipés d’ici deux ans. Aujourd’hui, nous pouvons estimer qu’au moins 25 % de l’offre de rendez-vous pour un examen oculaire se trouve sur ces sites, cela pourrait être la majorité d’ici quelques années. »
 
* Échantillon de 2 000 ophtalmologistes libéraux ayant un site fixe de consultation (soit environ la moitié de l’effectif total en France) contactés par téléphone par l’institut de sondage CSA du 23 avril au 13 mai 2019. Échantillon représentatif selon la répartition des ophtalmologistes par régions et la taille de l’agglomération, mais aussi selon l’exercice isolé ou en groupe et le secteur (1 ou 2.)

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