Dans le cadre du projet de loi Macron, la Commission spéciale du Sénat adopte un amendement qui supprime l’obligation d’ordonnance pour les lunettes. Le syndicat des ophtalmos s'insurge.

Hier, mardi 17 mars, lors de l’examen par la commission spéciale du Sénat du projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dit "projet de loi Macron", un amendement porté par la sénatrice UMP Dominique Estrosi (photo) réclamait la disparition de l’obligation d’ordonnance pour la prescription de lunettes aux adultes de plus de 16 ans. Il a été intégré à l’article 11 du texte. Dans le détail, l’amendement en question supprime le premier alinéa de l’article L.4362-10 du code de la santé publique, qui prévoit que les patients souhaitant renouveler leurs lunettes doivent disposer d’une prescription médicale de moins de trois ans. Rappelons que ce sujet avait déjà été largement débattu lors de l’examen de la loi Hamon et avait débouché sur l’obligation d’une ordonnance pour la délivrance de lunettes, aux enfants comme aux adultes.

"La Commission spéciale du Sénat chargée d’examiner le projet de loi Macron vient de remettre en cause cette avancée, en donnant aux opticiens la capacité de conseiller et vendre des verres correcteurs à leurs clients, sans que ces derniers aient été vus par l’ophtalmologiste au cours des 3 dernières années", peut-on lire dans un communiqué du Syndicat National des Ophtalmologistes de France (SNOF). Car son président, Thierry Bour, a immédiatement réagi à cette annonce. Il s'inquiète sérieusement "des conséquences sanitaires potentiellement graves de cette mesure, qui aboutirait à remettre en question le dépistage des maladies oculaires des Français". Il appelle les sénateurs à "prendre leurs responsabilités" et à rétablir cette obligation d’ordonnance, "au nom de l’intérêt supérieur des patients". Et souligne au passage "l’incohérence de cette modification du code de la santé publique dans une loi portant sur la consommation et la croissance économique à seulement quelques semaines de l’examen du projet de loi sur la Santé pour lequel des mesures concernant l’organisation de la filière de soins oculaires sont en cours de discussion".

Pour le Dr Thierry Bour, "cette disposition présente un risque pour les patients, car la visite chez l’ophtalmologiste est le seul moyen de dépister des maladies asymptomatiques aux conséquences parfois irréversibles : glaucome, rétinopathie diabétique, tumeur cérébrale… 1 patient sur 3 venu chez l’ophtalmologiste pour faire renouveler ses lunettes, repart en ayant été diagnostiqué pour une autre affection ! Que vont devenir ces patients demain, s’ils ne sont pas dépistés ?". Et le président du Snof d'insister sur le fait qu'un tel amendement va contre les attentes des Français qui, selon la dernière étude SNOF-Ifop de septembre 2014, sont 71% à s'opposer à ce qu’une personne non formée en faculté de médecine puisse effectuer un bilan oculaire et leur prescrire des lunettes. On l'aura compris, c'est de l'opticien dont il est ici question… "En rendant facultative la visite de contrôle chez l’ophtalmologiste, l’amendement Estrosi remet en cause le dépistage des maladies oculaires et bouleverse l’organisation de la filière visuelle, au détriment de la santé des Français. Les sénateurs profitent d’une loi portant sur la croissance et le pouvoir d’achat pour dénaturer le code de la santé publique, au mépris de l’intérêt supérieur des patients", a encore déclaré, indigné, M. Bour.

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