Ce matin, lors d’un point-presse, le Rassemblement des Opticiens de France (ROF) a détaillé ses propositions pour améliorer l’accès aux soins visuels des Français. Au programme, discours de la méthode et pistes de travail.

« On ne veut pas subir les évolutions à venir, alors on est force de propositions ». Voilà qui pourrait résumer l’état d’esprit et la façon de procéder du Rassemblement des Opticiens de France, dirigé par André Balbi. Bravant les intempéries entre deux aéroports, l’opticien corse a fait le déplacement à Paris ce matin pour un point-presse, sur fond de démarrage de la première phase de concertation avec le gouvernement. Secondé par Catherine de la Boulaye (pour l’Union des Opticiens) et Olivier Padieu (à la tête du Syndicat national des opticiens réunis), organisations appelées à se fondre fin février dans le ROF, André Balbi a présenté à la presse le détail de la contribution écrite remise fin janvier au gouvernement et soumise à la Direction de la sécurité sociale (DSS) il y a quelques jours. Une contribution qui, précisons-le d’emblée, est globale. Loin de se limiter à la seule question du reste-à-charge, elle veut embrasser l’ensemble des problématiques économiques de la filière ainsi que les enjeux sociétaux de santé visuelle. « Auprès de nos interlocuteurs, ministères et administrations, nous cherchons à faire valoir une approche transversale des dossiers, nous a confié M. Balbi quelques minutes avant le début de la conférence de presse. Si le reste-à-charge des Français cristallise médiatiquement l’attention, il faut voir au-delà car tout est lié : chaque maillon de l’organisation de la filière visuelle, chaque rouage est susceptible d’être un levier d’évolution. Mais attention, prévient-il aussitôt, tout le monde doit faire sa part du chemin ». Sous-entendu : non seulement les opticiens, mais aussi les décideurs publiques et les complémentaires. Dans la copie remise par le ROF au ministère de la Santé et à la DSS, il s’agit donc « de mettre fin au renoncement aux soins, sur la base d’un panier de soins responsable de qualité et disponible dans tous les magasins d’optique pour tous les porteurs couverts par une complémentaire santé, tout en préservant l’équilibre social et économique d’une filière d’excellence ».

Reste-à-charge, TVA...

Point le plus médiatisé depuis qu’Emmanuel Macron en a fait une promesse de campagne, la réforme du reste-charge doit reposer sur deux volets, selon le ROF, afin de répondre aux besoins visuels de tous les assurés en fonction de leur niveau de couverture. Premier cas de figure : les porteurs mal couverts (CMU-C, garantie au ticket modérateur, ACS, plancher du contrat responsable), soit environ 7,5 millions de personnes. Pour ce public-là,  « il est envisageable de mettre en place un panier de soins responsable opposable, avec des offres de qualité adaptées aux corrections simples, complexes et hyper complexes, pour des montants planchers de 100, 200 et 300 euros respectivement », détaille André Balbi. Seconde situation : ceux qui bénéficient d’une couverture complémentaire satisfaisante en termes de garanties. Eux se verront remettre une offre reste-à-charge zéro (RAC 0) personnalisée. Personnalisée, souligne bien le président du ROF, avant d’insister aussi sur le fait qu’elle devra être conditionnée : « ces porteurs doivent systématiquement avoir accès à leur niveau de couverture et bénéficier du tiers payant sans contreparties », expose M. Balbi. Ces deux types d’offres RAC 0 seraient-elles disponibles dans tous les magasins d’optique ? Affirmatif, « avec une égalité d’accès garantie et sans la possibilité de remboursement différencié. Elles seraient soumises au libre choix de l’assuré via la remise d’un devis par l’opticien, et feraient l’objet d’efforts conjoints entre l’Etat (baisse de la TVA), les OCAM (mutualisation des couvertures actuelles en dessous des montants du panier de soins et sans hausse des cotisations) et les opticiens », complète le président du ROF. Vieux serpent de mer, cette demande portant sur la baisse de la TVA concerne, précisons-le, les seuls verres. Le ROF estime qu’au titre de dispositifs médicaux, les verres sont tout à fait éligibles à un taux de 5,5 %. Pas sûr que l’État l’entende de cette oreille, qui se priverait ainsi d’une ressource financière… « Nous soutenons cette demande et nous pensons que d’autres organisations feront de même », ajoute Nicolas Raynal, délégué général du ROF, évoquant une possible convergence sur ce point précis avec la Fédération nationale des opticiens de France et le Groupement des industriels et fabricants de l’optique. André Balbi, insistant : « Il y a de nouveaux équilibres financiers à trouver. Réviser la TVA à la baisse est une piste légitime parmi d'autres. »

Examen de vue, formation...

Justement, parmi ses autres perspectives, le ROF avance l’idée d’une « participation de l’État dans le cadre de la prise en charge des actes liés à l’examen de vue ». En clair, il s’agirait d’établir une cotation tarifaire pour ces actes-là. « Les orthoptistes sont payés pour ce faire, pourquoi les opticiens ne le seraient-ils pas également ? » questionne non sans pertinence M. Balbi qui, sur ce point, prend au mot les récentes déclarations d’Agnès Buzyn, la ministre de la santé, à propos de la « nécessaire réflexion sur de nouveaux modes de rémunérations » des acteurs des filières optique et dentaire. Cette question du rôle-pivot de l’examen de vue débouche plus largement aussi sur celle de l’accès aux soins visuels. « Les enjeux sanitaires sont majeurs, entre le non dépistage de troubles chez les jeunes enfants et les lacunes du suivi des pathologies chez les personnes âgées par exemple. Au vu du nombre respectif d’ophtalmologistes, d’orthoptistes et d’opticiens, et de leur répartition différenciée sur le territoire français, les opticiens constituent une ressource indispensable et de proximité pour mettre en place de nouvelles politiques de santé publique axées sur la prévention et le suivi à distance des troubles visuels », résume le ROF. Président du Syndicat national des opticiens réunis, Olivier Padieu se projette : « Vu le contexte compliqué d’accès aux soins visuels, les opticiens pourraient tout à fait accomplir de nouvelles tâches, sous le contrôle de l’ophtalmologiste, bien sûr ». Ce qui pose évidemment la question de la formation, M. Padieu le concède : « Les opticiens seront d’autant plus légitimes à jouer ce rôle à l’avenir si leur formation initiale passe à trois ans et renforce leurs compétences ». Et Catherine de la Boulaye, au nom de l’UDO, d’intervenir pour conclure : « Nos propositions sont cohérentes et constructives et nous avons le sentiment, à ce stade, que nos interlocuteurs sont réceptifs ». Bref telles sont, dans les grandes lignes, les propositions formulées par le ROF. Il attend maintenant que s'ouvre une nouvelle phase de la concertation pour voir comment, très concrètement, son argumentaire a été reçu.

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