L'entrée en vigueur prochaine d'un nouveau règlement européen sur les données personnelles pourrait bien bouleverser le fonctionnement des réseaux conventionnés tels qu'on les connait aujourd'hui. Et au-delà, les relations entre tous les acteurs du secteur.

Est-ce aussi explosif que cela en a l'air ? Comme souvent avec les textes émanant de l'Europe, la technicité ne doit pas masquer l'importance des enjeux. Appelé à remplacer une directive datant de 1995, un nouveau règlement voté il y a quelques jours par le Parlement européen est de nature à impacter fortement les plateformes telles qu'elles fonctionnent actuellement. Et pour cause : baptisé General Data Protection Regulation (GDPR en abrégé), ce Règlement Européen sur les Données Personnelles pose qu'aucune donnée n'est anodine et que les données de santé en particulier sont très sensibles. Dans les tuyaux depuis quatre ans, ce texte plusieurs fois remanié va imposer d'ici 2018 aux États européens, à commencer par la France qui est en infraction sur ce dossier depuis 2005, de revoir totalement le traitement et la circulation des données à caractère personnel. Ce qui signifie, et c'est là que l'optique est directement concernée, que la transmission des données de santé telle qu'elle existe à ce jour entre opticiens et plateformes notamment, ne serait plus conforme.

Alain Gerbel, qui connaît le sujet sur le bout des doigts pour avoir déclenché avec la Fnof une procédure européenne sur ce dossier des données de santé en optique, décrypte les implications potentielles de ce règlement qui "donne un terrible coup de vieux aux plateformes, c’est le moins qu’on puisse dire. Aucune plateforme traitant des dossiers optiques n’est aujourd’hui en règle au regard des dispositions de ce texte. Concrètement pour l’optique, le texte confirme la position de la Commission (européenne_ ndlr) : les données contenues sur l’ordonnance d’un ophtalmologiste sont des données de santé. Le Règlement confirme également le principe de base à savoir l’interdiction du transfert des données de santé". Si une possibilité de dérogation reposant sur le consentement éclairé de la personne a été prévue par le texte, le président de la Fnof ne voit pas comment elle pourrait s'appliquer pour l'optique. Et le syndicaliste de s'appuyer sur ce passage du Règlement qui stipule que "pour garantir que le consentement a été donné librement, il convient que celui-ci ne constitue pas un fondement juridique valable pour le traitement de données à caractère personnel dans un cas particulier lorsqu'il existe un déséquilibre manifeste entre la personne concernée et le responsable du traitement, [….], et que cet élément fait douter que le consentement ait été donné librement dans tous les cas de figure de cette situation particulière". En creux, pour ce qui concerne l'optique, ce serait l'idée qu'il y a une asymétrie entre l'Ocam et le bénéficiaire...

Autrement dit, et pour traduire les conséquences potentielles de ce jargon juridique, il y a tout lieu de penser que les relations triangulaires plateformes-opticiens-clients vont devoir évoluer. Alain Gerbel est même catégorique : "Vous comprendrez que le consentement a du plomb dans l’aile, que le réseau tel qu’on le connaît aujourd’hui a vécu. Comment voulez-vous que l’on puisse conditionner le remboursement majoré au consentement d’un client à transmettre ses données et considérer que ce consentement est libre ?" En réaffirmant le droit de chacun à la protection de ses données personnelles, au premier rang desquelles, de fait, les données de santé liées à toutes pathologies (déficience visuelle comprise), ce nouveau règlement européen pourrait donc bien bouleverser la nature des rapports entre le client et la complémentaire, entre les complémentaires - via les plateformes - et les opticiens et plus largement tous les acteurs du secteur au regard des flux EDI (échanges de données informatisées). Reste à savoir, dans la perspective de ce nouveau contexte réglementaire, comment et dans quels délais les uns et les autres vont réagir. Ce qui est à peu près sûr, c'est que les cartes devraient être très sérieusement redistribuées.

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