Entre deux avions, Ludovic Mathieu a répondu hier soir aux questions de Fréquence Optic sur le rapprochement entre Essilor et Luxottica. Le directeur général d’Essilor France salue la naissance prochaine d’un « acteur de premier plan, aux racines françaises et italiennes, totalement dédié à la santé visuelle ». Avec enthousiasme, il dessine les perspectives dans lesquelles ce nouveau géant entend s’inscrire, tout en désamorçant d’éventuelles inquiétudes à l’aube de cette fusion.

FRÉQUENCE OPTIC : En quoi les conditions sont-elles aujourd’hui plus propices au rapprochement entre Essilor et  Luxottica ?

Ludovic MATHIEU : Les conditions sont d’abord favorables d’un point de vue financier. La valorisation respective des deux sociétés sur les marchés s’établit à des montants proches. Cette équivalence permet un rapprochement d’égal à égal. Et puis il y a le contexte mondial, la nature, l’ampleur et la dynamique des attentes en matière de bien-voir et de santé visuelle. L’essentiel des besoins mondiaux ne sont pas couverts, plusieurs milliards de personnes n’ayant toujours pas accès à la correction optique dont ils ont besoin pour bien vivre. Les atouts combinés d’Essilor et de Luxottica devraient permettre de répondre efficacement à de tels enjeux. Comme le disait notre PDG, Hubert Sagnières, « aux quatre coins du monde, la vision aura désormais une voix qui porte ». Pour ces raisons, il n’y a sans doute pas de meilleur moment pour mettre en place cet alignement stratégique entre nos deux groupes. C’est au final un mouvement naturel entre deux entreprises leaders qui présentent un parfait équilibre de points communs et de complémentarités et qui unissent leurs forces pour assumer leurs responsabilités, mieux satisfaire leurs clients et débloquer le potentiel de croissance de leur marché. On ne peut que s’en réjouir.

FO : Sur la base de quelles valeurs communes cette convergence va-t-elle s’établir ?

LM : Quatre éléments me semblent capitaux. Je l’ai dit en commençant, il y a d’abord cette volonté partagée de faciliter au niveau mondial l’accès à la vision, pour tous, partout. Il y a ensuite l’innovation, dans toutes ses dimensions, comme levier stratégique de croissance. Maintenant réunies, nos forces respectives de ce point de vue-là vont être sources d’opportunités démultipliées. Citons également l’excellence opérationnelle. L’histoire et l’expérience aidant, nous revendiquons chacun dans notre domaine une maîtrise poussée de notre chaîne logistique. Enfin, et évidemment, on doit parler de la dimension internationale. Parce que nous intervenons à l’échelle mondiale, nous serons à la hauteur des enjeux planétaires qui sont, comme je l’ai dit, colossaux. Ces points communs, ces convergences dans nos cultures entrepreneuriales laissent augurer de passionnantes synergies.

FO : Justement, à quelles synergies l’opticien français peut-il s’attendre et, surtout, à quel horizon ?

LM : N’allons pas trop vite. À court terme,  cette annonce ne va rien changer aux activités d’Essilor et de Luxottica au quotidien. Une opération de cette importance nécessite du temps pour être formalisée. Ce n’est qu’après différentes phases qu’elle prendra concrètement forme. Outre diverses consultations en interne (auprès des instances représentatives du personnel, des actionnaires…), elle doit obtenir, comme il se doit en pareille situation, l’approbation des autorités de la concurrence dans les pays concernés. En attendant, insistons d’ores et déjà sur un point fondamental : il n’y aura pas, concrètement, d’uniformisation, de rapprochement au forceps. Ce qui caractérise la culture d’Essilor, c’est un esprit d’ouverture et avec Luxottica, nous serons attentifs à ce que la convergence soit harmonieuse et progressive.

FO : En France, des voix commencent déjà à se faire entendre, car cette fusion suscite aussi des inquiétudes…

LM : Nous vivons un moment important qui devrait donner naissance à un acteur de premier plan, aux racines françaises et italiennes, totalement dédié à la santé visuelle. Il est normal que cela suscite de nombreux commentaires mais, dans l’ensemble, les réactions sont très positives. Chacun mesure l’intérêt de pouvoir compter sur des industriels engagés pour préparer et stimuler le marché de demain. Il faut bien comprendre que nous avons vocation à mettre en place des synergies de croissance qui profiteront à tous. À travers une telle opération, il ne s’agit pas de faire des économies mais d’investir, de créer des opportunités commerciales pour tous les acteurs, de mutualiser des moyens pour être force de proposition, et ce toujours dans la perspective de dynamiser le marché dans toutes ses composantes.  Entre les marques aspirationnelles et emblématiques de Luxottica et notre savoir-faire technologique en matière de verres, je n’ai aucun doute que les convergences, qu’elles donnent lieu au  lancement de produits et services innovants ou d’une expérience consommateur enrichie, bénéficieront à toutes les parties prenantes. C’est dans cet état d’esprit, de croissance partagée et de nouveaux défis à relever, qu’il faut comprendre le rapprochement entre nos deux univers.

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