EssilorLuxottica : la gouvernance toujours sous haute tension

L’heure n’est visiblement pas à l’apaisement entre les co-dirigeants du géant de l’optique-lunetterie. Hubert Sagnières continue de vigoureusement contester les « attaques » de Leonardo del Vecchio. Lequel a, de son côté, saisi la Chambre de commerce internationale (CCI) pour faire constater ce qu’il estime être des « violations » de l'accord de rapprochement de 2017 entre les deux groupes.

Dans l’immédiat, pas d’apaisement en vue au sommet d’EssilorLuxottica. L’heure est même plutôt à une guerre de positions entre le dirigeant français et son homologue italien. Après une première prise de position publique la semaine dernière, Hubert Sagnières s’est, en interne, adressé aux cadres d’Essilor à travers une lettre dont nous avons pris connaissance hier. Il y maintient son point de vue sur les déclarations de Leonardo del Vecchio : « De telles attaques et ce type de campagne médiatique sont sans précédent et sans fondement. » Retraçant un rapide historique du rapprochement entre les deux groupes, il insiste sur les conditions de l’accord, selon lui respectées : « Parmi les principes fondamentaux, il y avait, et il y a toujours, une gouvernance équilibrée avec des pouvoirs égaux entre M. Del Vecchio, en tant que Président-Directeur Général, et moi-même, en tant que Vice-Président-Directeur Général Délégué, ainsi que l’absence de contrôle d'EssilorLuxottica par Delfin (la holding de M. del Vecchio_ndlr). Les récentes déclarations de M. Del Vecchio dans la presse affirmant qu'Essilor a violé les accords de rapprochement en nommant quatre dirigeants clés, bloquant ainsi la nomination de dirigeants communs, sont sans fondement et représentent une tentative de Delfin de déstabiliser Essilor. » Et le dirigeant français de souligner, toujours dans ce même courrier, que « les représentants de Luxottica étaient clairement au courant de ces nominations au moment du closing de la transaction en octobre 2018. Des articles récents suggèrent que des dispositions spéciales ont été prévues pour ces personnes. En réalité, il n'y a pas de ‘parachute doré’, de ‘postes bloqués’ ni de ‘violation des accords de rapprochement’. Les déclarations de Delfin sont purement et simplement inexactes. »

Si Hubert Sagnières pointe sans ménagement ce qui lui apparaît visiblement comme des menées de la branche italienne, il met tout autant d’énergie à défendre « le nouvel ensemble EssilorLuxottica (qui) reste un formidable partenariat. » L’expression de ce soutien plein et entier vise évidemment à rassurer les équipes en interne et au-delà les actionnaires, ainsi que les marchés financiers. Car, sans surprise, la crise de gouvernance affecte le titre EssilorLuxottica, en recul à la Bourse de Paris. « Je continuerai de veiller à ce que nous accélérions l'efficacité opérationnelle plutôt que de nous faire dévier par des questions de gouvernance qui reflètent souvent uniquement des ambitions personnelles. La recherche d'un futur directeur général d'EssilorLuxottica est une priorité pour le succès du groupe, et je soutiens pleinement cet effort. Nous devons consacrer notre énergie à l'intégration des deux activités, sous une direction forte, et à la mise en œuvre des synergies que nous avons promises au marché », assure encore M. Sagnières.

À l’heure où la lettre de M. Sagnières était rendue publique par ses services, on apprenait que la holding de Leonardo del Vecchio a saisi de son son côté la Chambre de commerce internationale pour faire constater ce qu'elle qualifie de « violations » de l'accord de rapprochement de 2017 entre les deux groupes. En réclamant cet arbitrage, la holding espère obtenir « une injonction de se conformer au pacte jusqu'à son terme », peut-on lire dans son communiqué diffusé hier soir. Delfin assure ne demander « que le strict respect des accords, et notamment des règles de gouvernance conjointe et paritaire, auxquels elle entend pour sa part continuer de se conformer ». Et de fermement démentir « toute tentative de prise de contrôle d’EssilorLuxottica, qu’elle soit 'rampante' ou 'de fait’ ».

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