Débouté dans sa procédure contre l’association de consommateurs, le ROF n’entend visiblement pas en rester là. En rendant publics certains éléments « troublants » du dossier, le syndicat soulève des questions de fond relatives à l’utilisation des données de santé. Et ce, alors que se profile un débat politique sur le sujet. Explications.

Sans triomphalisme mais avec l’assurance que lui confère un jugement favorable, l’UFC-Que Choisir a accueilli avec satisfaction l’ordonnance de référé rendue mardi 6 mars. De fait, le Rassemblement des Opticiens de France (ROF), qui avait assigné début février l’association de consommateurs, a été débouté. « Une victoire pour les consommateurs », a commenté l’UFC-Que choisir au lendemain de l’annonce de la décision de justice. La réaction du syndicat ? Ne rien lâcher. « Le Président du TGI de Paris a noté les incohérences du comparateur qui avaient été mises en évidence par le ROF, ce qui pose donc clairement la question de sa fiabilité », tient à souligner le syndicat dans un communiqué. Et André Balbi, son président, d’insister lors d’un échange téléphonique hier après-midi : « Après une évolution du comparateur, toujours aussi discutable selon nous, des dysfonctionnements persistent, que nous avons signalés au juge quelques jours avant qu’il statue ». L’intéressé en a-t-il pris connaissance ? En tout cas, la décision ne mentionne pas la teneur de ce complément d’informations adressé au cours du délibéré. Or, dans l’idée du président du ROF, le fait qu’il y ait pu avoir des modifications du comparateur confirme indirectement son « imperfection ». De son côté, l'UFC-Que Choisir ne fait nulle part état de ces changements.

Plus « problématique » encore est, selon André Balbi, la question des données de santé utilisées pour construire ce comparateur. « La procédure menée par le ROF a permis de mettre en évidence le fait que le comparateur avait été mis en place grâce à l’exploitation de données de santé du réseau optique Kalivia qui ont été vendues à l’UFC-Que Choisir et mises à disposition par Viamédis Santé, société de gestion du tiers-payant au service des organismes complémentaires d’assurance maladie, dont l’actionnaire majoritaire est Malakoff-Médéric », peut-on lire dans le communiqué du syndicat, qui se dit en possession d’une copie d'un contrat d’achat. Selon l’organisation professionnelle, ce document tendrait à attester que ces données de santé ont fait l’objet d’une transaction financière. « Ce sont là des éléments troublants », commente M. Balbi au téléphone. Contactée ce matin pour avoir des éclaircissements sur ce point, l'association est injoignable. « Le fait que des tiers directement ou indirectement organismes complémentaires d’assurance maladie puissent vendre des données de santé pose un problème manifeste. Ensuite, il faut relever que le débat judiciaire n’a toujours pas permis de s’assurer que ces données de santé avaient bien été anonymisées avant d’être vendues à l’UFC-Que Choisir. Ces pratiques non encadrées interrogent au moment où les organismes d’assurance maladie complémentaire entendent être assimilés à la Sécurité sociale afin d’éviter d’avoir à recueillir le consentement explicite des patients ou à obtenir l’accord préalable de la CNIL pour le traitement de données des patients. Le Projet de loi relatif à la protection des données personnelles doit être discuté en 1ère lecture au Sénat le 20 mars prochain », fait encore valoir le Rassemblement des opticiens de France.

Bref, on voit bien que tout en laissant ouverte l’option judiciaire, le syndicat semble vouloir désormais donner une coloration nouvelle à cette affaire. L’idée est visiblement de politiser ce dossier pour trouver un écho auprès des pouvoirs publics et, au-delà, de l’opinion publique. Les débats à venir autour de l’entrée en application du Règlement européen sur la protection des données personnelles (RGPD) pourraient en effet donner une nouvelle caisse de résonance au contentieux opposant le syndicat à l’association de consommateurs. Maintenant, et plus concrètement, quelles sont les scénarios possibles pour le ROF ? Première option : le syndicat en reste là. C’est assez peu probable au regard des éléments qu’il vient de rendre publics. Autre possibilité : le syndicat fait appel de la décision du TGI. Au titre de plaignant il en a la possibilité pour, en quelque sorte, rejouer le match. Ou bien, dernière option : le syndicat lance une nouvelle procédure, en vue, cette fois, de faire juger le fond. Le problème, dans ce cas précis, c’est évidemment la lenteur des procédures, autrement plus longues que celle d’un référé d’heure en heure…

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