Pour encadrer le prix des lunettes, l'État a orchestré la refonte du contrat responsable. Pour Francis Kessler, spécialiste des questions de droit social, c'est typiquement un exemple de "surréglementation" contre-productive.

Maître de conférences à la Sorbonne, Francis Kessler tient régulièrement dans Le Monde une chronique sur le droit social. Celle d'hier était consacrée à l'optique sous le titre "L'État doit-il imposer ses vues aux entreprises ?". Ce spécialiste y interroge le choix de l'État dans sa volonté d'encadrer le prix des équipements optiques. Pour cela, il revient d'abord sur le contrat responsable, un des "divers dispositifs d'exonération de cotisations sociales patronales". "Depuis 2004, lorsque l’employeur ou les partenaires sociaux d’une entreprise ou ceux d’une branche professionnelle mettent en place des mécanismes de prise en charge complémentaires de frais de soins répondant à certaines caractéristiques, la part patronale de financement de l’assurance est partiellement exonérée de cotisations sociales", rappelle Francis Kessler pour mieux mettre en lumière le manque de cohérence de l'État aujourd'hui : "Les régimes complémentaires de frais de santé d'entreprise vont devenir, au plus tard au 1er janvier 2016, obligatoires et généralisés pour les salariés. L'incitation financière que constitue le contrat responsable n'a donc plus de sens : elle aurait dû logiquement disparaître".

Seulement voilà, le contrat responsable s'est vu attribuer "une nouvelle fonction" : celle de "réguler les prix des équipements d'optique !", s'étonne l'universitaire. Et de questionner la pertinence de cette décision : "Les partenaires sociaux vont par conséquent se voir fixer par décret des directives précises d'organisation des remboursements des frais d'optique par les complémentaires santé sous la bannière du contrat responsable". Là où le bât blesse pour Francis Kessler, c'est que, dans un tel contexte, les partenaires sociaux n'ont plus aucune marge de manoeuvre : "À l'avenir, les partenaires sociaux qui s'aviseraient de négocier autre chose que le cahier des charges prévu par le pouvoir réglementaire (l'État_ndlr) priveraient les employeurs de l'exonération des cotisations sociales". En clair, selon M. Kessler, les partenaires sociaux se verront désormais contraint à des accords qui "ne seront plus que des copiés-collés des normes du décret". Décret qui, soit dit en passant, se fait toujours attendre, sa publication ayant été successivement repoussée par le ministère à juillet, puis septembre… Pour le chroniqueur du Monde, cette situation illustre la tentation qu'a l'État d'intervenir par la "surréglementation" pour peser, maladroitement, sur la négociation collective.

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