Le syndicat des ophtalmos monte au créneau contre "les conclusions controversées " selon lui du rapport Ferrand sur les professions réglementées, qui remet sur le tapis la question de l'optométrie. Et demande "une clarification d’urgence par Matignon".

Le Syndicat National des Ophtalmologistes de France (SNOF) pensait que la question de la reconnaissance de l'optométrie était définitivement enterrée. La ministre de la Santé semblait leur avoir donné des gages à ce sujet. Mais la publication en début de semaine du rapport du député PS Richard Ferrand a remis ce dossier sur le tapis. D'où la perplexité du président du SNOF, Jean-Bernard Rottier : "Le rapport Ferrand sur les professions réglementées contredit les garanties apportées le mois dernier par le gouvernement concernant l’avenir du système de soins oculaires. Le sujet devait être traité au travers du plan de filière de Marisol Touraine, Ministre de la Santé, privilégiant les coopérations entre ophtalmologistes et orthoptistes. Commandé par Matignon seulement quatre jours après l’arbitrage en faveur du Ministère de la Santé, lequel a encore été réaffirmé le 10 octobre par le cabinet Macron à des représentants des ophtalmologistes, le rapport Ferrand entretient l’amalgame entre consommation et santé publique". Préoccupé, le syndicat demande dès lors à être reçu d’urgence par le Premier Ministre Manuel Valls, afin que ce dernier clarifie de nouveau la position du gouvernement.

Le Dr Rottier avance quelques arguments pour d'ores et déjà faire pencher dans son sens l'arbitrage du Premier Ministre. Primo, "la confusion entre prescription et vente est inhérente au modèle de l’optométriste. Nous avons pointé cette imposture depuis le début du projet de loi Macron, qui voudrait que l’on confie à des opticiens la possibilité de prescrire eux-mêmes les équipements qu’ils vendent. La survente de lunettes n’apporte rien aux patients". Et secundo, poursuit le représentant des ophtalmos, "les optométristes français n’effectuent aucun stage clinique ni ne suivent de formation médicale pour obtenir leur diplôme. Ils sont donc inaptes à réaliser du dépistage de pathologies. Si l’on veut confier un rôle aux optométristes dans la chaîne de soins, il faudra au moins 3 ans pour refondre leur cursus et attendre que les nouveaux diplômés sortent de l’école. Ensuite il faudra encore 2 ans pour établir des protocoles de délégation supervisés par la HAS et mener les expérimentations de terrain. Cela suppose que les 'nouveaux optométristes' ne pourraient être opérationnels qu’au plus tôt en 2020", indique le Dr. Rottier. "On voit mal comment ces professionnels de santé en devenir pourraient répondre à l’urgence actuelle. D’autant que les écoles d’orthoptie sont déjà à l’œuvre, avec une capacité de formation qui est passée ces dernières années à 300 orthoptistes par an, un chiffre largement suffisant pour répondre aux besoins de délégation de la filière. Pourquoi promouvoir la création conflictuelle d’une nouvelle profession, alors qu’une solution consensuelle et éprouvée existe déjà ?" s’interroge-t-il encore.

Dans sa prise de position, le SNOF trouve aussi appui auprès de l’Académie Française d’Ophtalmologie. Son secrétaire, le Dr Thierry Bour, estime pour sa part que  "ce rapport laisse dans l’ombre des parties importantes du processus de mise en place de la loi Macron (sur la Croissance et pouvoir d'achat_ndlr). En effet, quelles indications  avons-nous sur la manière d’organiser la réingénierie de la formation d’optométriste ? Comment assurer que ces derniers s’installent dans les régions désertées ? Et surtout, que deviendraient les 4 000 orthoptistes de France, si on confie demain leurs attributions aux optométristes ?". Autant de questions laissées en suspens selon M. Bour, qui conteste d'ailleurs aussi bien le contenu que la méthode de ce rapport : ""M. Ferrand prétend avoir rencontré les professions concernées et toutes les parties prenantes, or ni le SNOF ni l’AFO n’ont été consultés, ni même contactés. Sur 70 auditions menées, pas un seul représentant des ophtalmologistes. On ne peut construire l’avenir de la filière en faisant fi de l’intérêt supérieur des patients."

Photo : Richard Ferrand et Emmanuel Macron, lundi 3 novembre, le député PS remettant alors le rapport de sa mission au ministre de l'Économie.

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