À peine dévoilée dans la presse, l'offre "Carte Blanche - Prysme" a suscité beaucoup de réactions chez les opticiens. C'est une nouvelle fois la légitimité des réseaux de soins qui fait question. Dans ce débat, la Fnof vient à son tour de prendre position.

Prysme, rappelons-le d'emblée, c'est le nom de cette offre sans reste à charge à travers laquelle Carte Blanche propose sa propre collection de montures, notamment françaises, "de qualité", associées à des verres Nikon, Essilor ou Zeiss. Une première, dans l'univers des réseaux de soins, qui fait bien des remous. A peine présentée, cette offre inédite a suscité de vives réactions de la part de nombreux opticiens qui ont massivement investi les réseaux sociaux pour faire entendre leur indignation. En cause d'abord : le fait que cette collection maison, baptisée 1796, soit une des conditions du référencement des opticiens. En clair, un opticien qui veut se voir conventionner dans le cadre du réseau Carte blanche en cours de renouvellement doit s'engager à proposer cette collection. "Je trouve que Carte Blanche pousse le bouchon un peu trop loin, s'agace, comme nombre de ses confrères, un opticien parisien qui s'estime d'autant plus apte à manifester son mécontentement qu'il pensait de nouveau candidater à ce réseau : "Que la plateforme nous impose sa collection est une nouvelle forme d'ingérence dans notre métier. Jusqu'où ira-t-on ?" Joint par téléphone, Jean-François Tripodi, le directeur général de Carte Blanche prend acte de cette grogne, avant de la relativiser : "Il y aura toujours des mécontents. Ce que je constate de mon côté, c'est qu'en l'espace de trois jours, à partir du moment où nous avons lancé l'appel à candidatures pour le renouvellement du réseau, plus de 1 300 opticiens se sont engagés dans la démarche de conventionnement. C'est donc qu'ils jugent notre approche pertinente pour eux."

Si le reproche d'ingérence revient souvent sous la plume des opticiens qui prennent la parole sur les réseaux sociaux, beaucoup s'interrogent d'autre part sur la centrale CBP, créée pour commercialiser cette collection. Un rapide calcul est au centre de tous les débats : en admettant que 6 000 opticiens au minimum, selon les prévisions de Carte Blanche, fassent l'acquisition de la totalité de la collection 1796 pour un montant avoisinant les 1 600 euros, la centrale CBP devrait engranger plusieurs millions d'euros de chiffre d'affaires. Là-dessus, M. Tripodi assure vouloir jouer la carte de la transparence : "Il faut avoir à l'esprit qu'un tel montant aura vite fait d'être absorbé, entre l'achat des montures (300 000 ont déjà été commandées_ndlr) aux fabricants français, la logistique et le SAV, car il y aura bien évidemment un SAV d'une durée de deux ans à compter de la date d'achat du produit par l'opticien". Et le directeur général de Carte Blanche de préciser, sans doute pour calmer les esprits, que l'opticien peut tout aussi bien, s'il le souhaite, passer par sa centrale habituelle pour autant que celle-ci ait référencé la collection 1796 comme n'importe quelle autre marque de montures. 

Puisqu'aujourd'hui la plateforme propose - et, de fait, impose - ses propres lunettes, à quand une offre de verres en marque propre ? La question est posée par bien des opticiens pour qui ce sera, à coup sûr, la prochaine étape des plateformes de santé. "N'aurait-il pas intérêt, dans un futur proche, à vendre leurs verres en leur nom ?", s'interroge une opticienne qui hésite encore à postuler au réseau Carte Blanche. Réponse de M. Tripodi : "Diverses études internes menées auprès de nos adhérents nous montrent qu'ils sont très attachés à la marque de leurs verres. Autant ils sont ouverts dans le choix de la lunette, autant ils attendent vraiment un verre de marque. Donc, non, nous n'avons pas vocation à produire nos propres verres."

Les explications et précisions du directeur général de Carte Blanche suffiront-elles aux yeux des opticiens qui appellent déjà à boycotter le conventionnement de la plateforme ? Pas sûr. Ce qui est certain en revanche, c'est qu'ils trouveront en la Fédération nationale des Opticiens de France un relais de poids. Ce matin, Alain Gerbel, son président, a pris la parole dans un communiqué pour dénoncer, selon lui, des "atteintes répétées à la liberté d’exercer des opticiens (qui) sont intolérables. La surenchère permanente sur les conditions d’exercice (obligation d’une certification unique, équipement en OPTOAMC, référencement des fournisseurs verres, …) n’est plus acceptable", s'insurge-t-il après avoir constaté que "d’appels d’offres en appels d’offres, les plateformes santé ne cessent de ramener l’opticien à un simple exécutant". Puisque "rien ne semble arrêter les plateformes santé", la Fédération a mis en ligne sur son site (www.fnof.org) une pétition "Non aux réseaux de soins en optique". Elle sera remise au Parlement et au Ministère de la santé début octobre.

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