Dans une tribune, le créateur de lunettes de fabrication française explique pourquoi, selon lui, le plafonnement des remboursements optiques des mutuelles va "nuire à la production de lunettes Made in France".

Tout le monde connait, ne serait-ce que de nom et de réputation, Frédéric Beausoleil (photo). Celui qui a donné son nom à sa marque depuis 1987 n'est pas homme habituellement à monter au créneau pour tirer la sonnette d'alarme. C'est pourtant ce qu'il fait aujourd'hui en signant une tribune dans laquelle il s'inquiète vivement des conséquences du plafonnement des remboursements optiques sur l'activité des lunetiers français. Récemment, déjà, lors d'une intervention dans le cadre du salon des créateurs organisé par Luz, Frédéric Beausoleil avait fait part de ses préoccupations. Alors qu'une bonne partie de ses montures sont façonnées dans sa propre usine à Nantes, et ce depuis 1990, le lunetier explique en quoi cet encadrement des remboursements par les mutuelles va nuire à la production de lunettes en France, déjà en difficulté depuis quelques années. Il semble voir dans le plafonnement de la prise en charge à 150 euros des montures, et ce tous les deux ans, un coup supplémentaire porté au secteur : "Malheureusement, il n’est pas possible de proposer ce type de tarifs pour une paire de lunettes réellement fabriquée en France. Entre les coûts de conception, de matières premières, de main d’œuvre et de distribution, une monture de conception simple, 100 % Made in France, atteint un montant minimum de 180 à 200 euros TTC. Le reste à charge dissuadera donc une grande majorité de clients d’acheter du Made in France. 150 euros étant un plafond, certaines mutuelles rembourseront donc encore moins", fait observer Frédéric Beausoleil.

Il redoute que les opticiens sélectionnent des marques de moins en moins chères, délaissant du même coup les marques et les modèles fabriqués en France : "Il n’existe aujourd’hui plus qu’une dizaine d’usines françaises de lunetterie, contre 150 en 1990, date à laquelle j’ai créé mon usine. Oui 150 versus 10 aujourd’hui ! Le secteur est sinistré et cette réforme va nuire à nouveau aux quelques irréductibles, qui continuent à produire dans l’Hexagone, au profit d’autres marchés. Les usines qui ont survécu sont celles qui ont investi dans la recherche, l’innovation, le luxe. Ce sont elles qui fabriquent encore les lunettes des créateurs français si prisées en France et à l’export. Cette réforme va donc interdire aux produits français l’accès à leur marché national. Nous, industriels artisans lunetiers, nous exportons déjà 70 % de notre production. Mais quel dommage de se voir condamner sur son propre marché, par son propre gouvernement…", déplore Frédéric Beausoleil.

Le lunetier va encore plus loin, pointant deux autres "dommages" : "Les mutuelles, qui ont vu cette réforme d’un bon œil au début, sont maintenant plus inquiètes. Si leurs remboursements vont baisser (alors que leurs cotisations augmentent chaque année) le risque que de nombreux Français refusent à l’avenir de cotiser est grand. Pourquoi ? Elles ont toutes prévues des sur-complémentaires de +/- 20 euros par mois pour compenser le reste à charge. Mais les Français sauront faire le calcul : 30 millions de cotisants x 20 € x 12 mois = plus de 6 milliards d’euros de cotisation supplémentaire qui vont être pris de leur poche. Dans ce cas, où est le milliard d’euros rendu aux Français promis par les politiques ? Entre discours politique et réalité…" Et d'embrayer sur la seconde conséquence qui, selon lui, illustre un double discours gouvernemental  : "Cette réforme va favoriser les produits bas de gamme au dépend des montures à valeurs ajoutées, fabriquées ou créées en France. Si c’est cela le choix du gouvernement, je le regrette, mais c’est en contradiction avec son discours de relocalisation industrielle. D’une industrie française de qualité qui aurait maintenant compris qu’elle doit investir dans la formation, la recherche et l’innovation comme ont su le faire l’Allemagne et le Japon."

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