Passe d’armes, cette semaine, entre Matthieu Gerber, le président du Regroupement des opticiens à domicile (Road), et le co-fondateur de Lyleoo, une plateforme de télé-expertise qui vient de nouer un partenariat avec L’Opticien qui bouge… qui se trouve être membre-fondateur de ce même collectif Road. Les raisons de la polémique.

Lancé il y a quelques mois, le service de télé-expertise Lyleoo, qui permet l’émission d’une ordonnance sous 48 h après renseignement d’un questionnaire de santé par le porteur, contrôle de la correction visuelle par un opticien puis analyse à distance d’un ophtalmologiste partenaire, est au coeur d’un début de polémique entre le président du Regroupement des opticiens à domicile (Road) et l’un des membres-fondateurs de cette même association, en l’occurrence L’Opticien qui bouge. S’exprimant en effet au titre de Road, Matthieu Gerber, par ailleurs à la tête des Opticiens Mobiles, a fait paraître le 30 août un communiqué très incisif contre ce dispositif qui, selon lui, témoigne « d’une expansion de pratiques inadaptées » dans la profession. Il dénonce, pêle-mêle, de « nouvelles solutions aux communications trompeuses », « un guichet à ordonnances », « une fausse promesse » ou encore « des usages qui desservent la profession ». Or Lyleoo, la solution de télé-expertise visée par ces propos, vient de nouer un partenariat privilégié avec L’Opticien qui bouge... qui compte parmi le trio des fondateurs à l'origine du collectif Road.

Prenant connaissance de ce communiqué de presse « à caractère diffamatoire » d’après lui, le co-fondateur de Lyleoo et opticien lui-même, Jean-Valéry Desens, a répliqué hier via un droit de réponse. Il entend ainsi contrer les objections de Matthieu Gerber, qu’il qualifie de « porte-parole des détracteurs de la solution Lyleoo et de ses partenaires usagers. » Il conteste l’assertion principale de M. Gerber selon laquelle le cadre règlementaire dans lequel s’inscrit son service serait flou : « Bien évidemment, la solution Lyleoo s’appuie sur un travail juridique précis et détaillé réalisé par des experts dans notre domaine d’activité ! » fait valoir M. Desens. Avant d’en rappeler le fonctionnement : « Le scénario est bien celui d’un professionnel de santé (ici, l’opticien-lunetier) sollicitant, à distance, l’avis d’un professionnel médical (ici, l’ophtalmologiste) en raison de ses compétences particulières. Cette expertise est sollicitée sur la base d’informations de santé liées à la prise en charge du patient (informations recueillies tant auprès du patient lui-même, qu’auprès de l’opticien-lunetier réalisant les mesures de la vision avant envoi à l’ophtalmologiste). » Le co-fondateur de Lyleoo s’interroge également sur la légitimité de M. Gerber, dans ce cas précis, à parler au nom du collectif : « Aujourd’hui, des centaines d’opticiens en France utilisent la solution de Lyleoo ou celles proposées par ses concurrents. Parmi nos clients opticiens, un très grand nombre sont adhérents au syndicat du Road présidé par M. Matthieu Gerber. »

« C’est une prise de parole inconsidérée qui n’engage que lui et nullement les autres membres de Road », nous dit-on dans l’entourage de L’Opticien qui bouge. Hier, le jour même de la réponse de Lyleoo, Matthieu Gerber a publié une seconde version, moins virulente, de son communiqué de presse initiale : on n’y parle plus de Lyleoo comme d’une « offre illicite » mais « risquée », et la formulation « pratique illégale », présente dans la première mouture du texte, a disparu au profit de la tournure « pratique douteuse ». Pas sûr que ces ajustements de vocabulaire suffisent à apaiser les esprits échauffés. Si la direction de Lyleoo se dit ouverte « à des discussions » avec M. Gerber « dans l’intérêt supérieur des patients et des clients », l’intéressé, lui, persiste et signe d’un communiqué à l’autre : « Nous nous désolidarisons des acteurs qui font la promotion de ce type de service, avant tout mercantile et individualiste, et spécifiquement la société L'Opticien Qui Bouge, dont la présence au sein de l'association est aujourd’hui remise en cause en l’absence de marche arrière. » Dans ce contexte tendu, la question est donc posée de savoir si les membres de Road peuvent continuer à jouer groupés…

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