Lundi dernier se tenait à Paris le congrès de la FNOF. La question de la légalité du transfert des données de santé entre opticiens et réseaux de soins a fait l'objet de toutes les attentions. Explications.

Brossant à grands traits les enjeux de la procédure européenne lancée à l'été 2013 par son syndicat, Alain Gerbel, le président de la FNOF, est catégorique : "C'est bien simple : sans données de santé, il n'y a plus de réseaux de soins. Sans elles, ils ne peuvent tout bonnement plus fonctionner". Interrogations dans l'auditorium de l'Espace Van Gogh qui reçoit ce jour-là, lundi 15 juin, quelque 200 personnes pour le congrès du syndicat. En effet, beaucoup, dans la salle, ont encore du mal à imaginer les conséquences potentielles de cette démarche engagée par le syndicat auprès de la Commission européenne. L'affirmation du syndicaliste lors de son discours d'ouverture a trouvé un prolongement et une explication détaillée dans l'intervention de deux avocates, Me Le Meur-Baudry et Me Pereira. Sur ce sujet éminemment technique, elles ont tenu à faire de la pédagogie. Première chose à retenir, l'origine du contentieux : si plainte il y a eu de la FNOF au niveau européen, c'est parce que la France est actuellement en délicatesse avec une directive européenne portant sur la protection des particuliers en matière de traitement des données de santé individuelles. Or, ont rappelé les avocates, Bruxelles considère que les données du type éléments présents sur l'ordonnance ou informations sur les bons de livraison des équipements sont bel et bien d'ordre privé, donc soumises à la directive en question. De la part de la France il y a donc en l'état un manquement au droit européen. Voilà pourquoi, en mars dernier, la Commission européenne a adressé au gouvernement français une mise en demeure pour régulariser au plus tôt cette situation. Normalement, l'exécutif disposait de 10 semaines pour prendre position sur le sujet, un délai déjà écoulé. La France bénéficie d'un ultime sursis, qui expirera fin août, pour répondre à la mise en demeure de la Commission.

Quels sont les scénarios possibles ? La FNOF et le tandem d'avocats en voient deux. Premier cas de figure : si on admet que la loi "Informatique et Libertés" en vigueur est un cadre légal opératoire, alors la CNIL* pourrait, sur exigence du gouvernement, prendre la main sur le contrôle en amont du traitement des données de santé. Ou bien, seconde configuration : on juge que la loi "Informatique et Libertés" ne convient pas, insuffisante qu'elle est, et dans ce cas le gouvernement devra légiférer pour imposer un nouveau cadre légal adéquat. Dans tous les cas, quoi qu'il arrive, c'est l'anonymisation des données qui prévaudra, ce qui les rendrait de facto inexploitable dans le cadre des réseaux de soins… La France pourrait-elle, d'une façon ou d'une autre, botter en touche et ne pas normaliser sa situation au regard du droit de l'Union Européenne ? Les avocates veulent croire que le gouvernement se mettra en conformité, comme souvent en matière d'alignements sur le droit de l'UE. Si jamais le gouvernement se défaussait, alors la procédure sera portée à un autre niveau - celui d'une procédure devant la Cour européenne cette fois -, et là, la France risque gros financièrement. 

* Commission nationale de l'informatique et des libertés.

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