Après la première partie ce matin, suite et fin de notre entretien avec le Dr Thierry Bour. Le président du syndicat national des ophtalmologistes de France livre son point de vue sur les enjeux en cours et à venir de la filière. 

Fréquence Optic : Quelles sont vos priorités à court terme ?

Thierry Bour : Nous devons poursuivre la transformation de la filière d’ici 2025. Le rapport IGAS est un élément devant s’inscrire dans cette transformation. Nous allons consolider l’équilibre démographique de notre profession. Cet équilibre, il nous faut le stabiliser dans les années à venir. Nos projections montrent que nous n’aurons pas de creux démographique sur la période 2025-2035 comme cela a été craint à un moment.

Comment est-ce possible alors que tout indiquait le contraire ? 

Plusieurs leviers l’expliquent. D’abord il y a une augmentation des ophtalmologistes formés, environ 160 par an. Ensuite il y a l’allongement de la durée d’activité de bon nombre de praticiens qui poursuivent pour répondre aux besoins sur le terrain. D’autre part il y a l’apport d’ophtalmologistes de l’Union européenne, en provenance d’Italie, d’Allemagne, d’Espagne mais aussi, dans une proportion plus forte, de Roumanie et de Grèce. Ce contingent représente 50 à 60 personnes par an. Enfin, il y a l’arrivée des étrangers issus de l’espace francophone, des pays d’Afrique du Nord en tête. Diplômés en ophtalmologie dans leurs pays, ils suivent une formation complémentaire en France pour exercer à l’hôpital ou s’installer. Ceux-là seront entre 70 et 80 chaque année. Si l’on additionne le tout, cela compense les quelque 300 départs à la retraite annuels.
 
Si un marché des lunettes connectées voyait prochainement le jour, comment les ophtalmos et les opticiens devront-ils l’appréhender ?

C’est une vraie question, en effet. Ce marché va s’ouvrir à un moment ou à un autre, et ce sera probablement passionnant. Les opticiens devront rapidement se positionner s’ils ne veulent pas voir cette activité leur échapper. D’ailleurs, c’est peut-être un axe de réflexion en ce qui concerne la rénovation de leur formation. Ne faudrait-il pas prévoir, dans le cadre d’une réingénierie, un volet sur l’électronique ? Quant à nous, ophtalmologistes, notre rôle sur ce sujet pourrait consister à informer en amont les gens qui ne pourront pas porter ce type d’équipement, en raison de pathologies sous-jacentes. Je pense par exemple à ceux qui ont des problèmes de vision binoculaire.

Et que vous inspire le développement du marché de la myopie, appelé à devenir un axe commercial important ?

Je crois que si en Asie l’épidémie de myopie est manifeste, c’est moins évident en Europe. Il manque des données épidémiologiques. Celles dont nous disposons actuellement ne sont pas suffisamment denses. Quant aux dispositifs de correction qui voient le jour, notamment les verres, il va falloir valider scientifiquement leur apport. Les études pilotes, pour intéressantes qu’elles semblent être à ce stade, sont encore trop limitées, à mon sens. Beaucoup reste à faire pour y voir plus clair à ce sujet et prendre la pleine mesure de ce qui, au regard de données plus larges, apparaîtra ou non comme un enjeu de santé publique.

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