Après seulement cinq mois, Aurélien Rousseau a démissionné hier de son poste, étant en désaccord avec le contenu selon lui trop droitier de la loi immigration adoptée la veille. Sa ministre déléguée, Agnès Firmin Le Bodo, assure l’intérim à la tête d’un ministère qui aura vu défiler six responsables en six ans…

Cinq petits mois et puis s’en va. Démissionnaire, Aurélien Rousseau n’a certes pas battu le "record" de Brigitte Bourguignon, restée avenue Dusquesne à peine un mois, mais il aura été en poste moitié moins longtemps que son prédécesseur immédiat François Braun, qui a occupé la fonction une petite année. Hier mercredi, à la mi-journée, le porte-parole du gouvernement Olivier Véran  (lui aussi, soit dit en passant, ancien ministre de la Santé de la Macronie, période Covid) a officialisé le départ d’Aurélien Rousseau du gouvernement. Le désormais ex-ministre de la Santé avait prévenu qu’il ferait ses cartons si la loi sur l’immigration était adoptée telle qu’elle l’a été mardi soir. « Si le texte est voté, je pars. Je ne donne de leçons de gauche ou de morale à personne. Je constate cliniquement que ce n’est pas possible pour moi d’expliquer ce texte », avait-il prévenu la veille dans les colonnes du Monde, tout en étant occupé par ailleurs à ferrailler avec les Ocam. Il a donc mis ses actes en conformité avec ses paroles et claqué, non sans panache, la porte du ministère. Heurté dans ses convictions, ce tenant de l’aile gauche du gouvernement n’a pas voulu, contrairement à d’autres, s’accommoder d’un texte à ses yeux trop droitier dans son inspiration, qui selon lui « touche aux murs porteurs » de la République. Sans entrer ici dans le détail des griefs d’Aurélien Rousseau vis-à-vis d’une loi qui depuis dix-huit mois aura embrasé les esprits, constatons seulement les conséquences de sa démission. Indiscutablement, elle fragilise un ministère de la Santé dont Agnès Firmin Le Bodo, jusqu’alors ministre déléguée générale à l’Organisation territoriale et des Professions de Santé, assure désormais l’intérim. Depuis 2017 et le premier mandat d’Emmanuel Macron, six ministres - elle comprise - ont pris les rênes d’une administration qui doit faire face à de gros chantiers en matière de réforme du système de santé. L'instabilité au sommet n'aide pas à les mener à bien. 

S’agissant du secteur de l’optique en particulier, le passage d’Aurélien Rousseau à la tête du ministère n’aura pas été marquant. « Sous Aurélien Rousseau, il faut bien reconnaître qu'il ne s’est pas passé grand-chose, regrette Hugues Verdier-Davioud, le président de la FNOF joint tôt ce matin par téléphone. Il n’a pas, comme nous le souhaitions, pris position sur la nécessaire protection des données de santé dans l’intérêt des patients mais aussi des opticiens, un dossier sur lequel nous alarmons le ministère depuis longtemps. Et il n’a pas davantage donné suite à un sujet brûlant, celui de la financiarisation de l’optique à travers le développement anarchique, car non-encadré, de la téléconsultation », explique le syndicaliste, après un coup d’oeil rapide dans le rétro. D’autre part, depuis son accession au ministère en juillet dernier, aucun comité de suivi de la réforme 100 % Santé ne s’est tenu. Censés être dans une phase 2, selon les termes de François Braun le prédécesseur d'Aurélien Rousseau, les travaux concernant l’évolution du 100 % Santé sont au point mort. Le seul élément que l’on puisse mettre à l’actif du ministre démissionnaire, c’est l’entrée en vigueur fin août de la mesure se voulant incitative, baptisée « accompagnement » désormais, visant à augmenter les ventes des opticiens sur le panier A.  

« Je continuerai de poursuivre le travail engagé aux côtés d’Aurélien Rousseau, dans un esprit de construction au service de la santé des Français. Continuons à aller de l’avant », a déclaré via X (ex-Twitter) Agnès Firmin Le Bodo qui, on l’a dit,  lui succède. À 55 ans, cette pharmacienne de profession proche d’Edouard Philippe (elle a notamment été son adjointe à la mairie du Havre) affiche un profil de droite modérée. C’est une « femme de talent et d’engagements », a salué Aurélien Rousseau au moment de la passation hier. Connaît-elle la filière visuelle ? Oui, et pour plusieurs raisons. Elle a notamment suivi le dossier de la primo-prescritpion accordée aux orthoptistes et elle a mis en place l’expérimentation, toujours en cours en Normandie et Centre-Val-de-Loire, qui permet à des opticiens de pratiquer des réfractions en Ehpad et adapter si besoin est, dans le cadre d’un renouvellement, les prescriptions initiales de lunettes ou de lentilles. (Rappelons que les résultats et/ou prolongements de cette expérimentation seront, normalement, établis courant 2024 par la nouvelle ministre... si elle est encore en fonction.) Ceux des responsables syndicaux de la filière qui ont eu l’occasion, il y a peu ou dans un passé récent, de rencontrer Agnès Firmin Le Bodo nous ont, pêle-mêle, parlé d’une « femme connaissant ses dossiers », « à l’écoute active » ou « ayant le souci, dans ses méthodes et ses projets, de l’efficacité ». Parmi les sujets chauds sur lesquels la nouvelle ministre aura à se prononcer bientôt, il y a les évolutions concrètes de l’adaptation des primo-prescriptions par les opticiens, dans le cadre de la loi dite Rist (du nom de la députée Renaissance Stéphanie Rist). Et c'est un sujet houleux car, selon nos informations, les instances représentatives des opticiens, des orthoptistes et des ophtalmologistes ne s'accordent pas, pour l'heure, sur ces évolutions.

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