Des clients plus autonomes
Lancé le 7 janvier dernier, le site internet Arretmaladie.fr a suscité des réactions outrées du monde médical et de la Caisse nationale d’assurance maladie (CPAM). En quelques clics, ce site, qui est déjà actif en Allemagne, propose de prescrire un arrêt maladie court (trois jours maximum), validé par un médecin en ligne, donc remboursable par la Sécurité sociale.
La téléconsultation fait un pas de plus dans la relation entre les patients et un système de santé qui a tendance à les déresponsabiliser et à les infantiliser. Internet modifie le rapport de force avec des individus qui souhaitent prendre leur destin en main, mieux appréhender leur santé, moins subir le savoir quelquefois abscons des médecins. Ce n’est pas sans risque évidemment, mais notre société conteste de plus en plus « les experts » et chacun entend définir son propre territoire de compétence et de savoir. Le patient revendique être un sachant et un apprenant, on devrait même dire un sachant et un informant, voire un déformant, tant il est absorbé par ses plongées exploratoires dans le vaste océan du web...
Dans un même registre, le secteur de l’optique vit sa petite révolution en terme de relation-clients avec un rééquilibrage des forces en présence. En effet, la loi 100 % Santé va changer l’engagement entre clients et opticiens. Maintenant, les opticiens sont obligés de proposer un devis normalisé, détaillé et comparatif pour que leurs clients puissent faire le choix entre un zéro reste-à-charge ou une quote part à leur charge, sachant qu’ils pourront panacher entre l’offre 100 % Santé et l’offre libre. Cette contrainte pour les professionnels peut se muer en avantage s’ils mettent à profit leur expertise : ils devront mieux expliquer les avantages de telle ou telle qualité de monture, telle ou telle option pour les verres, mieux défendre leur valeur ajoutée par une transparence vertueuse, un rééquilibrage raisonné de l’échange vendeur-acheteur. L’autorité des opticiens devrait s’en trouver renforcée en sortant du simple rôle transactionnel avec les assurances, pour se concentrer sur leur fonction de conseil, en orientant et en convainquant leurs clients d’opter pour le meilleur choix d’équipement et pas forcément le moins-disant en terme de coût ni le plus onéreux. Il y a plus de vingt ans, avant l’explosion d’internet, le sociologue Gérard Mermet prévenait : « Attention, le consommateur va devenir autonome » (dans le magazine LSA 02/09/99). Nous y sommes.
Compétent et souverain, ce consommateur du XXIe siècle ne se contente plus de vaines promesses et ne s’accommode d’aucune opacité. Il s’informe, il jauge, il juge, il compare, il se méfie, il exerce son libre-arbitre, il impose ses règles. Aux opticiens de sortir de la culture de l’ordonnance pour entrer dans la culture de la compétence-client, en faisant la démonstration par la preuve que leur expertise a du sens pour accompagner l’autonomie d’individus parfois un peu trop conquérants.
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